Gérard Depardieu : boycott or not boycott?

Célébré pendant des décennies, vu comme l’un des plus grands acteurs français, considéré comme un monstre sacré, vénéré et intouchable… Gérard Depardieu divise plus que jamais et semble au crépuscule de sa carrière.

Il est, pour certains, le symbole des hommes crados et prédateurs sexuellement frustrés. Pour d’autres, il reste une fierté nationale victime d’un acharnement médiatique. Ces deux camps s’affrontent par presse interposée, à coups de tribunes publiées en réaction des unes des autres.

Sur le plan judiciaire, Gérard Depardieu est mis en examen pour viols et agressions sexuelles. Lui déclare n’avoir “jamais abusé d’une femme”. Dans un article publié dans Mediapart, en avril 2023, treize femmes l’ont pourtant accusé « d’actes et de propos sexuels inappropriés » commis sur des plateaux de tournage entre 2004 et 2022.

Complément d’enquête

Si les accusations, les polémiques et les rumeurs autour de Depardieu ne sont pas nouvelles, c’est la diffusion le 7 décembre 2023 d’un numéro de l’émission Complément d’enquête qui a précipité la chute de l’acteur. Dans une séquence en particulier, il tient des propos déplacés, à caractère sexuel, au sujet d’une petite fille. Propos qui ont largement choqué l’opinion, au point de devenir une affaire d’État. Le Président de la République himself est descendu dans l’arène pour voler au secours de “l’ogre” du cinéma, mettant en cause le montage de cette séquence, garantie « authentique » depuis.

Boycott or not boycott ?

Faut-il continuer à célébrer Gérard Depardieu ? Faut-il continuer à diffuser sur des chaînes de télévision Cyrano de Bergerac, La Chèvre, Cyrano de Bergerac, Les Anges gardiens… ? À noter que France Télévisions, en France, et la RTS, en Suisse, ont d’ores et déjà annoncé leur intention de retirer de leurs grilles tous les programmes associés à Gérard Depardieu.

La question divise. Certains arguent que ses films ne devraient plus être diffusés. En tête de proue de ce combat, les associations féministes. D’autres, en revanche, estiment que l’œuvre artistique doit être dissociée de l’homme (la fameuse jurisprudence “Polanski”). En tête de proue de ce combat, les croisés « anti-woke ». Le wokisme n’a rien à voir là-dedans, pourtant, mais il est tendance de le mettre à toutes les sauces.

Bon, on va pas se raconter des cracks. Peu importe le camp des uns ou des autres, c’est un fait : plus personne ne pourra regarder un film avec Depardieu comme avant. Toutes les œuvres où il apparait, en tête d’affiche ou non, ne peuvent plus cocher la case du “divertissement”. Regarder, ou ne pas regarder, est désormais un acte politique. Ainsi, Gérard Depardieu n’est plus un acteur qui remplit son rôle : il ne nous fera plus rêver, il ne nous changera plus les idées. Ses films sont désormais teintés d’une aura de controverse. Chaque réplique, chaque geste, est désormais examiné à la lumière des allégations qui pèsent contre lui, transformant des moments qui auraient autrefois suscité l’admiration, en des moments de malaise.

Et le seul responsable, c’est Depardieu.

Je me suis posé la question : en tant que cinéphile, dois-je effacer purement et simplement de ma mémoire Gérard Depardieu, et ses films ? À vrai dire, non, je ne pense pas que cela soit nécessaire. Pourquoi ? Parce que pour moi, Gérard Depardieu ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan du cinéma français. Bien qu’il ait joué dans des films emblématiques et qu’il ait indéniablement laissé son empreinte, je refuse de lui accorder une importance démesurée. Il n’est qu’un acteur parmi tant d’autres, et sa présence, ou son absence, dans mon répertoire cinématographique, ne change rien.

Je tiens à démystifier un “mythe”. Le cinéma français regorge de talents variés et diversifiés, de réalisateurs visionnaires, d’acteurs talentueux et d’œuvres remarquables. Je préfère me concentrer sur ces aspects-là, plutôt que de m’encombrer de la controverse entourant un seul individu.

Il est temps de laisser la Justice faire son travail, et de célébrer ce qui mérite vraiment d’être célébré. Depardieu n’aura ni mon boycott, ni mon soutien.

Le cinéma survivra à la chute de l’Ogre.