Le Cercle des neiges : un film glaçant

4 janvier 202489/1001893

Ne manquez plus rien !

 

Sortie
04/01/2024
Plateforme
Netflix
Réalisateur
Juan Antonio Bayona
Durée
2h24min
Acteur(s)
Enzo Vogrincic Roldán, Simón Hempe, Matías Recalt
Taux de réussite
Répartition
Scénario/dialogues
85%
Réalisation
85%
Acting
95%
Décors
90%
Musique/Son
90%
Avis en bref
En ce début d'année 2024, le cinéaste espagnol Juan Antonio Bayona offre un film bouleversant et visuellement époustouflant sur le crash du vol "Fuerza Aérea Uruguaya 571" dans la cordillère des Andes. Une œuvre nécessaire qui fait honneur à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie ou leur âme dans cet enfer blanc.
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Le réalisateur espagnol Juan Antonio Bayona, connu pour son travail sur The Impossible en 2012, revisite le drame inspiré de faits réels en se penchant sur le crash du vol “Fuerza Aérea Uruguaya 571” dans son dernier film, Le Cercle des Neiges, actuellement disponible sur Netflix.

Roulez jeunesse !

Des jeunes de Montevideo, en Uruguay, arborant fièrement leur look seventies jusqu’au bout des rouflaquettes, partagent la même passion : le rugby. Ils ont remporté avec leur équipe le championnat et s’apprêtent à disputer un match à Santiago du Chili.

Le capitaine de l’équipe, Marcelo (Diego Vegezz), est chargé de faire le rabatteur et de collecter les fonds pour le voyage. Il reste encore la moitié de l’avion à remplir, alors chacun convie femmes, cousins et amis pour faire le compte. Gàston (Louta) réussit à convaincre ses potes, à l’exception de Numa (Enzo Vogrincic Roldán), élève-avocat studieux totalement étranger au monde du rugby.

Réunis dans un café, Gàston et le groupe usent de tous les arguments possibles, promettant à Numa un voyage à Santiago pour seulement 45 dollars et la possibilité de rencontrer des femmes séduisantes. Numa succombe à la persuasion de ses amis et se joint à ce “dernier voyage de potes” avant la vie d’adulte.

Le 13 octobre 1972, les membres de l’équipe de rugby et leurs accompagnants prennent place à bord du vol “Fuerza Aérea Uruguaya 571”. 40 passagers, 5 membres d’équipage. Le moment est immortalisé par une photo.

Crash

Dans l’appareil, l’ambiance est à la fête : danse, chant, rires. Et beaucoup de tabac. Les “clics” de l’appareil photo créent la trame sonore.

Mais lorsque l’avion survole la cordillère des Andes, les premières turbulences surviennent. Elles s’expliquent scientifiquement : les vents chauds de la pampa se heurtent aux vents froids de la montagne, générant un effet de succion, et donc les turbulences. Un membre de l’équipage calme les premières inquiétudes, en bon professionnel : “Nous on est plus malins que ça !“. Dans le plan de vol, il est en effet prévu de contourner les zones dangereuses en volant dans un couloir où les montagnes sont moins élevées. Ouf, tout va bien.

Non. Les choses se gâtent. Les turbulences s’intensifient et l’équipage demande aux passagers de boucler leurs ceintures. Numa, plus alerte que les autres, sent que quelque chose est en train de se passer. Il regarde, inquiet, l’aile de l’avion par son hublot. Les turbulences se font de plus en plus fortes. Le rire a totalement disparu de l’habitacle et les premières prières se font entendre.

Puis, c’est le crash. Il est d’une violence inouïe. L’avion percute un premier pic qui arrache l’aile droite. Des passagers sont aspirés, projetés, broyés. L’aile gauche est à son tour arrachée lors d’une collision avec un second sommet. L’avant du fuselage termine sa course dans la neige d’un glacier, à 3.600 mètres d’altitude.

Survivre, à tout prix

Sur les 45 passagers, 33 survivent au crash et se retrouvent bloqués dans la neige et le froid. Passer la première nuit est une épreuve : en quelques minutes, les températures chutent de 30 degrés. Trois n’y survivront pas.

Comme pour se protéger de la fatalité, le capitaine de l’équipe, Marcelo, tente de se convaincre lui-même de l’arrivée prochaine des secours. Mais Fito (Esteban Kukuriczka) est lucide et refuse de se voiler la face. Il se rend bien compte que leur appareil est indétectable vu d’en haut. Tout au plus, il ressemble à un rocher parmi tant d’autres. Le destin va lui donner raison : des avions survolent la zone, dans un fracas terrible, sans jamais s’arrêter.

Les survivants vont essuyer les pires tempêtes avant de subir une avalanche, qui tuera 7 passagers supplémentaires, dont la dernière femme du groupe : Liliana Navarro Petraglia de Methol.

Mais la pire épreuve qui leur est infligée, cest la faim. Sept jours, sept nuits, sans rien manger. Pour la première fois, alors quils nont cessé dunir leurs forces depuis le crash, le groupe va se scinder en deux : d’un côté ceux qui veulent manger la chair des morts, et de l’autre ceux qui s’y refusent catégoriquement.

Ce n’est que 71 jours après le crash que les 16 survivants restants vont être secourus, grâce à une expédition de la dernière chance menée par Roberto (Matías Recalt) et Nando (Agustín Pardella). Ils vont enfin pouvoir rentrer chez eux, délestés en moyenne de 30 kilos chacun.

La presse parle alors d’un miracle. Les survivants, d’une malédiction… Car leur âme ne quittera jamais vraiment la cordillère des Andes.

Que vaut Le Cercle des neiges ?

Le film est impressionnant dans bien des registres, à commencer par sa dimension hyperdétaillée. Chaque plan transpire l’authenticité, ceci grâce à un important travail de documentation, basé sur l’ouvrage factuel de Pablo Vierci : Society of the Snow. L’auteur a lui-même fondé son travail sur les témoignages des survivants et des familles des victimes.

Le film ne perd pas son temps à jacasser : l’accident intervient dès la 10ème minute et il est d’une intensité folle. J’ai rarement vu à l’écran un crash aussi bien retranscrit. La scène dure environ 5 minutes et prend aux tripes. L’acier se froisse, la chair se déchire, les os se brisent. Ce sont tous ces bruitages, finalement, qui sont les plus terribles dans la scène. Avec The Impossible, Juan Antonio Bayona avait déjà parfaitement retranscrit la force inouïe du tsunami du 26 décembre 2004 en Thaïlande. Il réitère dans Le Cercle des neiges ce tour de force avec la même maestria.

Le Cercle des neiges va ensuite se concentrer sur les mois de survie et d’épreuves : froid, tempêtes, avalanche, désespoir, faim.

La photographie générale du film est intéressante et retranscrit dans sa patine le froid polaire de ce cimetière à ciel ouvert. Les scènes sont bien filmées, sont parfois viscérales et soulignées par la jolie musique de Michael Giacchino, derrière la BO de The Batman notamment. Sa dernière partition est particulièrement émouvante.

Le film prend le soin d’éviter la surenchère et ne tombe jamais dans le voyeurisme ou le gore inutile.

Il ne se permet pas de juger la façon dont la survie s’est organisée. Si c’est l’anthropophagie de l’événement qui reste dans l’inconscient collectif, Juan Antonio Bayona s’intéresse davantage aux rapports humains et à l’esprit de corps des survivants (sans mauvais jeu de mot). Il évoque bien sûr le recours au cannibalisme, mais souligne sa nécessité absolue et son retentissement psychologique sur les personnages. Cet élément de survie est incontournable dans le récit, mais il n’est pas central. C’est un parti pris audacieux de la part du cinéaste espagnol, et totalement réussi.

Dans le Cercle des neiges, il est question de foi, de sacrifices, de dilemmes moraux. En filigrane, le film nous interroge : qu’aurions nous fait à leur place ? Bien ambitieux celui qui saura y répondre. Impossible en tout cas de ne pas avoir de l’empathie pour ces jeunes malchanceux, forcés par le destin à utiliser les corps de ceux qu’ils aiment pour ne pas mourir. C’est la plus grande réussite du film : il réhabilite l’humanité des survivants et casse les clichés au sujet de ce drame.

Pour faire un peu la fine bouche… Le film aurait mérité d’être un peu moins long (2h24min), quelques coupes en milieu et fin de métrage l’auraient rendu plus fluide.

Mais globalement, le Cercle des neiges est un grand film, nécessaire, qui fait honneur à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie ou leur insouciance dans la cordillère des Andes.

La vie plus forte que la mort

Si Le Cercle des Neiges nous offre des scènes visuellement époustouflantes, c’est bien dans le registre de l’intime et des sentiments qu’il est le plus percutant. Le film livre une exploration profonde de la force intérieure qui pousse les individus à tenir bon, à trouver l’espoir là où tout semble perdu, pour eux-mêmes, mais surtout pour les autres.

Car si certains sont revenus de cet enfer blanc, s’ils ont tenu et enduré de telles épreuves, c’est davantage pour porter la parole des morts que la leur. La voix off de Numa, qui accompagne le film, en est la parfaite illustration.

Les survivants du crash dans les Andes (photo originale)

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Julien Hamy

Trentenaire. Papa. Ancien collaborateur parlementaire à l’Assemblée nationale. Pas sûr que Popkorn me permette de mettre du beurre dans les épinards... Mais du baume au cœur, c’est certain !